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"Verdun 1916", un nom qui claque au vent sur le drapeau du 71e Régiment territorial d’infanterie… un nom qui résonne dans notre mémoire collective comme la bataille ultime, celle où « ils ne sont pas passés », cette victoire sur l’Allemand qui espérait « saigner à blanc l’Armée française » selon les mots attribués au Kronprinz. Pour qui s’est rendu sur les lieux du champ de bataille, face aux stigmates laissés par les combats violents, c’est l’idée de sacrifice qui s’impose, et l’image héroïque de soldats dont les ombres parcourent encore ce qu’on appellera "l’Enfer de Verdun".

En mars 1915, lorsqu’il est rappelé à 43 ans (il est né à Lézigné, le 11 octobre 1871), Auguste Guyon, garde champêtre de la commune, ne se doute pas qu’il échappera de peu à la mort, là-bas, à Vaux-Devant-Damloup . Père de deux enfants âgés de 13 ans pour Gustave, et de 10 ans pour Marguerite, réserviste de l’Armée territoriale, il pensait peut-être qu’il ne rejoindrait pas le front… mais la guerre est dévoreuse d’hommes, et les besoins en soldats se font sentir après les 5 premiers mois de guerre, terriblement mortels (plus de 300 000 morts, dont le 1/3 pour le seul mois de septembre).

Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
 Podium du Garde champêtre, Place Lucien Boré, à la base du clocher église Saint Jean Baptiste, photographie A. Chiron
○ C’est de cette estrade de pierre que Auguste Guyon, et le deuxième Garde champêtre de la commune Antoine Audiot, proclamaient les « publications » lors de la sortie de messe, pour informer la population des nouvelles mesures administratives ou autres annonces officielles, comme certainement l’ordre de mobilisation du 1er août 1914.

Longtemps journalier agricole, il avait été embauché comme manœuvre par Louis Cesbron, aux moulins d’Ignerelles qui vont être cédés à Eugène Cheviller (père) en 1912. Son parcours militaire reste classique : incorporé pendant 2 ans au 162e RI (casernement à Verdun, déjà !) en 1893-1895, il a rejoint le 71e Régiment Territorial (en 1905) et est entré dans la réserve de l’Armée territoriale en 1911.

On signalera qu’outre ses responsabilités au sein de la commune (depuis la fin de son service militaire), il a intégré la subdivision de compagnie de sapeurs-pompiers de Lézigné, en s’engageant le 1er mars 1897 en remplacement de Charles Thuau (la subdivision compte alors 20 hommes), l’année même de son mariage avec Adélaïde (originaire de Durtal, née Pottier, et de 4 ans sa cadette). 20 ans de service… : ce qui lui vaudra d’être décoré en 1925, après avoir été promu caporal en mars 1923. Il en démissionnera le 1er novembre 1928 : il a alors quitté la commune.

Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à VerdunAuguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
► Remise pour la pompe incendie,rue de la mairie (construite en 1886, anciennement rue de la Gare)
► Etats de service du sapeur Auguste Guyon ; liste (complétée) des 20 sapeurs-pompiers, au 16 novembre 1895 - Réorganisation du 3 octobre 1895, Archives municipales, 4 H 1 / Fiche individuelle d’engagement d’A. Guyon comme sapeur-pompier, 1897- 1928 - Carnet d’engagements, 1895-1947, Archives municipales, 4 H 5
○ C’est en 1866 qu’a été fondée la subdivision de compagnie de sapeurs-pompiers de Lézigné, avec alors à sa tête Victor Lebrun, sous-lieutenant. Elle a été réorganisée plusieurs fois : en 1877, 1888, 1895… La liste présentée ici est celle de 1895, complétée suivant les renouvellements des engagements des uns comme des autres. A la veille de la Guerre, c’est le cabaretier Pierre Lanceleur, engagé depuis 1900 qui dirige la section en qualité de sous-lieutenant (promotion du 27/0/1908)

Rappelé, le 4 mars 1915

Auguste Guyon est donc rappelé le 4 mars 1915 et rejoint le 71e Territorial…mais les données ne sont plus les mêmes : désormais, les "territoriaux" sont amenés à seconder les régiments d’active en première ligne, voire à les relever…

Ainsi, depuis début janvier 1915, le 71e Territorial qui a intégré la 26e Division d’infanterie est dans la Somme, dans la région de Roye, relevant tous les 4 jours les régiments bombardé par intermittence par les Allemands tout en ayant à lutter en même temps contre les intempéries de la mauvaise saison (on dénombrera 9 tués et 55 blessés pendant cette période). Le 7 mars, « 100 hommes de renfort venant du dépôt rejoignent le corps à Etelfay [dans l’Oise, 3,5 km à l’est de Montdidier] et sont immédiatement répartis dans les 3 bataillons ». Auguste Guyon est de ceux-là. … Y sont aussi Joseph Moutel, Ernest Buineau, Daniel Audiot, Emile Vallée…

Jusqu’en Novembre, les bataillons du 71e seront amalgamé ou rattachés à différents régiments effectuant des travaux de terrassement, de fortification et défense, de creusement et réfection de tranchées et boyaux en lien avec le Génie… Montant jusqu’en 1ère où ils subiront là des « bombardements par intervalles », l’attitude de l’ennemi est cependant qualifié ede généralement calme. Elle coûtera néanmoins 6 morts et 45 blessés au 71e dont le Lieutenant- colonel Mortier, commandant le Régiment est cité à l'ordre de l'Armée en août 1915, pour avoir donné le plus bel exemple d'énergie et de calme "devant le danger depuis plus de six mois qu'il commande son Régiment sur le front" ; et avoir fait de ce Régiment "une troupe solide et disciplinée qui rend les plus grands services dans les tranchées de première ligne (…)". Jusqu’en février 1916, il va occuper un nouveau secteur en Somme (pertes de 11 tués, et 72 blessés) avant d’embarquer dans la nuit du 24 au 25 février à Montdidier pour… Verdun.

Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
►Journal de marches et opérations du 71e RIT, 3/08/1914-30/06/1915 (extraits), Archives de Défense Nationale, 26 N 789/5
○ Les « 100 hommes de renfort venant du dépôt » dont fait partie Auguste Guyon, fait suite à la note du Général Commandant l’Armée en date du 28 févier 1915, pour pallier au déficit d’hommes du 71e RIT. 

Verdun, 4-23 mars 1916

Le 4 mars, il doit entrer dans le secteur Nord Est du champ de bataille, entre Vaux et Aix. Depuis le début de l’offensive, le 21 février, les troupes allemandes ont progressé de 8 km, et occupent le fort de Douaumont…mais suite à la réorganisation des lignes par Pétain, et à la défense permise par l’apport d’importants renforts, les Allemands décident d’attaquer en tenailles les 6 et 7 mars : à l’ouest sur la rive gauche de la Meuse (Avocourt, côte 304, Mort-Homme), et à l’ouest par Vaux… Dans le fort , la 8e compagnie du 71e arrivée là dès le 3 mars après une progression de 5 heures à travers un terrain défoncé, au milieu d’un bombardement effroyable, a pour seule mission : « tenir ». Du 5 au 7 les bombardements vont redoubler d’intensité alors que le Régiment exécute des travaux de réparation, de construction d’un boyau (à Tavannes), et ravitaillent, la nuit, la 8e compagnie et la 6e au fort de la Laufée. Le 9 mars, l’assaut est livré au fort de Vaux : la 8e compagnie, soutenue par la 10e et une section du 11e va résister admirablement… Auguste Guyon est parmi eux…mais sera blessé grièvement à la tête et à la poitrine, par des éclats d'obus. La guerre est finie pour lui…évacué, il ne retrouvera pas l’usage de son œil gauche, définitivement perdu.

Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
►Auguste Guyon, bénéficiaire des soins gratuits aux victimes de guerre, 1e section, 1920 - Liste provisoire des bénéficiaires de l’art.64 de la Loi du 31 mars 1919, Archives municipales, 5 H 16
○ Auguste Guyon est le premier dans ce cas dans la commune. Au même moment seront classés dans la seconde section (en instance de pension) : Louis Gaugain, Pierre Durand, Lous Pergon, Pierre Dassé, Georges Ouvrard, Joseph Toutain (ce dernier attendra 1923 pour la régularisation définitive de son dossier)… ils seront 11 bénéficiaires à un moment donné sur la commune dans l’entre deux guerre (1923 et 1935)

Rayé définitivement des contrôles en mars 1917, décoré pour sa bravoure (médaille militaire, croix de Guerre avec palme [citation du 9 avril 1916]), pensionné pour invalidité à 65% (retraite de 646 francs), Auguste Guyon reprendra après sa convalescence sa fonction de garde champêtre et de sapeur-pompier; tandis que sa femme prendra en mars 1918 "la succession de Madame Robineau et tiendra le débit de boisson que celle-ci exploitait dans le bourg de Lézigné".

Quant au 71e , il repoussera glorieusement encore 3 vagues d’assaut sur Vaux le lendemain 10 mars…les hommes, dans un état de fatigue extrême, manquant d’eau, et fournissant un effort considérable, ne seront relevés que le 23 mars, pour la dernière compagnie encore présente dans les forts, et ce après 3 semaines éprouvantes. Avec 51 tués (dont le commandant du fort, Raynal, tué d’une balle au front le 9 mars également), et 203 blessés, la valeur du 71e Territorial fut estimée égale à celle d’un régiment actif. Le 409e par exemple, auquel appartient le jeune Louis Dailler, fils d’Eugène, 20 ans tout juste… et tué en contre bas du fort de Vaux, à quelques 100aines de mètres de l’endroit où, le même jour, Auguste Guyon a perdu son œil…

Auguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à VerdunAuguste GUYON, un sapeur-pompier lézignéen à Verdun
►Déclarations d’ouverture d’un cabaret, par Pottier Désirée femme Guyon, 28 mars 1918 - Débits de boissons permanents, Archives municipales, 1 J 1 ;  Le Cabaret Robineau-Guyon, photographie A. Chiron
○ En 1914, on recense 3 cabaretiers dans la commune : Désiré Rialland, place L. Boré, François Robineau (actuelle rue de la Mairie, qui décède le 5 juillet 1917) et Pierre Lanceleur, au Vivier (depuis 1893 : le café de la Gare). On trouve également débit de boissons chez Alexis Morihain (menuisier, près de l’église).
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